Page:Gory - Des Pensées de Pascal considérées comme apologie du christianisme, 1883.djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 74 —

solution protestante[1]. » La solution était que tous les politiques libéraux, libres-penseurs, cela va sans dire, devaient donner au protestantisme évangélique, l’appui de leur adhésion extérieure, et se servir ensuite de lui, dans un dessein éminemment patriotique. L’auteur, qui était un politique et non encore un croyant, avait raison à son point de vue : l’homme politique peut très légitimement, à la condition de ne violer aucun principe supérieur, tenter de faire servir aux desseins qu’il poursuit telle puissance morale dont l’action lui paraît devoir être favorable ; et nul doute que le christianisme ne soit très favorable au développement d’un régime de liberté. Mais le christianisme se refuse absolument, ou doit se refuser, à être pris comme instrument pour une telle fin. Un instrument, le christianisme ? Oui, il est un instrument ; mais sa fin est la restauration de la nature déchue, le salut éternel des âmes. Pour atteindre une telle fin, et subsidiairement mille fin plus prochaines, il est d’une puissance à laquelle nulle autre n’est comparable. Mais si vous voulez l’employer directement et immédiatement à d’autres objets, quelque légitimes et nobles soient-ils, vous le dénaturez et vous le ruinez.

Vis-à-vis donc de cette grande puissance du jour, qui s’appelle la politique, le christianisme doit être absolument indépendant et libre. Qu’il la laisse poursuivre son évolution au sein de notre société et qu’il poursuive lui-même son œuvre au fond des âmes ; et s’il trouve en elle un compétiteur redoutable, il ne doit pas oublier que sa concurrence n’a jamais eu qu’un temps. Les âmes ne vivent pas de politique et, quand la mesure de leurs désenchantements est comble, elles se tournent vers lui pour

  1. Par M. Eug. Réveillaud.