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puissance morale qui, pour être méconnue momentanément, n’en reste pas moins perpétuellement ce qu’elle est, la grande puissance de Dieu pour le salut du monde. Nous le répétons donc, la seule attitude digne du christianisme vis-à-vis des puissances du jour, est ou bien une indépendance et un isolement superbes, ou bien une hostilité nettement accusée : pour lui toute alliance est un alliage, et un alliage qui, loin de le fortifier, l’affaiblit et l’énervé. Nous disons avec M. Godet, sur le jugement duquel il nous est précieux de pouvoir nous appuyer : « A cette heure où l’Eglise Réformée de France nous paraît dévier avec une aussi étonnante rapidité de la voie où ses pères ont déployé les vertus les plus héroïques, il nous semble que c’est le moment de lui rappeler que le moyen de gagner le siècle, n’est pas de s’incliner devant lui et de lui céder pas à pas le terrain, mais de lui tenir tète hardiment et de se redresser en face de lui de toute la hauteur du fait divin que l’Eglise a pour mission de proclamer[1] ».

C’est cette attitude qui a fait la force des Pensées. C’est cette attitude que nous voudrions voir le christianisme prendre de nos jours vis-à-vis de toutes les forces devant lesquelles l’opinion s’incline trop complaisamment, vis-à-vis de la politique courante, vis-à-vis de la philosophie, vis-à-vis de la science, une attitude soit indépendante, soit agressive, inspirée par un scepticisme accusé, fondée sur le fait de la déchéance de la nature humaine. Et, hâtons-nous de le dire, par cette attitude, la seule vraiment digne de lui, le christianisme, ne servira que mieux, pour les servir indirectement, les grandes

  1. Revue chrétienne, 5 décembre 1882.