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visibles qu’elles soient, mais du fait bien plus réel, bien plus visible, partout éclatant, dans la nature humaine, dans l’Evangile, delà déchéance générale de l’homme, de son éloignement de Dieu, du péché originel en un mot. Nos apologistes modernes, que préoccupe avant tout l’idée des harmonies nécessaires, croient bien au péché originel, comme théologiens, mais ils ne savent quelle place lui donner dans leur système apologétique ; ils rencontrent partout sur leur chemin, à tout instant dans leur œuvre, de ces grandes ruines qui attestent une catastrophe originelle, mais ils en sont embarrassés et ne savent qu’en faire, faute de les avoir mises dans les fondements mêmes de leur édifice.

Et ce point de départ de l’apologie déterminera nécessairement son attitude, dans les grandes luttes du temps présent. En présence d’une nature déchue, qu’il a pour mission de relever de sa déchéance, l’attitude du christianisme sera selon le cas, soit absolument indépendante, soit résolument agressive. Le christianisme doit dominer toutes les puissances régnantes, même celles qui s’approchent le plus du grand idéal qu’il leur propose, de toute la hauteur de sa mission divine, et de l’ordre divin qu’il est venu établir. S’il est appelé à agir sur elles, c’est du dehors et de haut, comme puissante influence, en gardant vis-à-vis d’elles une absolue indépendance, en ne craignant même pas d’entrer en lutte avec elles. Il ne doit jamais se compromettre dans leur alliance, et moins encore se mettre à leur usage et à leur service, comme un docile instrument, se recommandant des offices qu’il peut rendre pour quémander une humble place au soleil du droit commun et une petite part d’influence sur l’opinion des masses. Une telle attitude serait peu digne d’une