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d’une Eglise dominée déjà par les Jésuites, car nous étudions l’œuvre et non l’homme. Cependant nous croyons fermement que s’il eût vécu un siècle plus tôt, en pleine réformation, à l’époque où les partis religieux n’étant encore ni tranchés ni fermés, chaque lutteur pouvait se ranger dans le camp auquel, par ses principes, il appartenait légitimement, l’homme eût pris place, et quelle place ! à côté de nos grands réformateurs, et l’œuvre serait dans toutes nos bibliothèques protestantes, à côté de l’Institution chrétienne.

A propos de la première édition de l’ouvrage de M. Astié, et en parlant de celui de Vinet, Sainte-Beuve s’étonne de voir les protestants essayer de tirer à eux le Pascal des Pensées. Cet étonnement nous étonne vraiment. Nous n’avons nul besoin de le tirer à nous ; il nous appartient de droit comme quiconque professe, aussi hardiment qu’il l’a fait, nos immortels principes ; il nous appartient par ses principes, et ce n’est que grâce à des inconséquences que les situations et les circonstances imposent toujours aux esprits les plus fermes et les plus logiques, qu’il ne nous a pas appartenu en fait.

En tout cas, son œuvre nous appartient : elle est le fruit direct des grandes semences répandues au xvie siècle.

Et s’il a été inconséquent dans sa situation, même comme Janséniste, il savait pourtant où le poussaient ses principes. Il a écrit et n’a jamais rétracté les pensées que voici : « Si mes lettres sont condamnées à Rome, ce que j’y condamne est condamné dans le ciel. — Vous êtes corruptible. — Il est meilleur d’obéir à Dieu qu’aux hommes. Je ne crains rien, je n’espère rien. Les évêques ne sont pas ainsi. Port-Royal craint, etc… »