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l’impuissance de l’esprit à trouver et à saisir la vérité, est un véritable tourment. Jamais il n’a voulu consentir à coucher sa tête sur le doulx et mol chevet de Montaigne ; car ce doulx et mol chevet est, à son sens, un chevet de torture, et la tête qui consent à s’y endormir, ou seulement à s’y reposer, n’est pas une tête bien faite ; c’est une tête pleine de folies inconcevables, vide de raison et de sens. Il faut l’entendre lui-même : « En voyant l’aveuglement et la misère de l’homme, en regardant tout l’univers muet et l’homme sans lumière…, considérant combien il y a plus d’apparence qu’il y a autre chose que ce que je vois, j’ai recherché si Dieu n’avait pas laissé quelque image de soi. » (XI, 8.) — « Je ne puis avoir que de la compassion pour ceux qui gémissent sincèrement dans ce doute, qui le regardent comme le dernier des malheurs, et qui, n’épargnant rien pour en sortir, font de cette recherche leurs principales et leurs plus sérieuses occupations. Mais pour ceux qui passent. leur vie sans songer à cette dernière fin de leur vie, et qui, par cette raison qu’ils ne trouvent pas en eux-mêmes les lumières qui les en persuadent, négligent de les chercher ailleurs,… je les considère d’une manière toute différente. Cette négligence en une affaire où il s’agit d’eux-mêmes, de leur éternité, de leur tout, m’irrite plus qu’elle ne m’attendrit ; elle m’étonne et m’épouvante. C’est un monstre pour moi. » (IX, 1, tout l’article). « Ce repos dans cette ignorance est une chose monstrueuse, dont il faut faire sentir l’extravagance et la stupidité à ceux qui y passent leur vie, en la leur représentant à eux-mêmes pour les confondre par la vue de leur folie. » (IX, 2.)

Après avoir lu de telles pensées, il est impossible de se méprendre sur le caractère et la portée du doute de Pas-