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rieures est tout à fait accessible à la nature humaine, parce que celle-ci a conservé intacte son originelle capacité.

Sur quoi donc se porte le doute de Pascal, puisqu’il laisse hors de cause le monde des réalités objectives ? Sur le sujet et sur ses diverses facultés, sur cette faculté centrale en particulier, qui s’appelle, ou que Pascal appelle la raison, sur la nature humaine en général qu’il déclare tombée de sa place, dévoyée, déchue et incapable, à cause de cette déchéance, de saisir son objet.

Dans un paragraphe dont nous avons déjà cité plusieurs fragments, après avoir constaté l’impuissance de la raison à prouver des vérités d’un certain ordre, il remarque que « cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non l’incertitude de toutes nos connaissances comme lespyrrhoniensle prétendent. » Il ne pouvait mieux marquer toute la distance qui le sépare de cette secte philosophique. De l’impossibilité où se trouve l’homme d’arriver à la vérité, les pyrrhoniens concluent à la non-existence de la vérité objective ; lui, au contraire, conclut à la faiblesse de la raison et de la nature humaine. En deux mots, les pyrrhoniens croient en l’homme et doutent de Dieu ; Pascal croit en Dieu et doute de l’homme.

De là, sur un autre point essentiel, une opposition non moins absolue entre son point de vue et celui de l’école sceptique. Les pyrrhoniens, disons-nous, ne croient pas à la vérité objective : il serait donc bien étrange qu’ils se missent en peine de la poursuivre ; ils trouvent dans le doute un parfait repos et une entière tranquillité. Pour Pascal, au contraire, le doute, dans la mesure et avec les caractères que nous avons vu qu’il lui assigne, c’est-à-dire