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premières apparences sont donc qu’il est pyrrhonien. Mais allons plus loin. Sur quel fondement s’appuie-t-il pour déclarer que l’homme est incapable d’arriver à saisir son objet ? Sur ce fondement d’une disproportion générale immense entre lui et cet objet. Or, comment a-t-on pu ne pas remarquer que cette dernière affirmation place celui qui la formule tout à fait en dehors du pyrrhonisme ? Qu’implique en effet la conscience et l’affirmation d’une telle disproportion entre l’homme et le monde extérieur ? Trois choses auxquelles un vrai pyrrhonien ne saurait jamais souscrire, savoir : — qu’il y a dans la conscience humaine des notions, comme des reflets d’un monde extérieur ; — que ces notions ne sont pas de purs phénomènes de conscience, mais des indices desquels il est permis de conclure à la réalité objective de ce monde extérieur ; — et, en troisième lieu, qu’entre l’homme et ce monde extérieur, la disproportion et la séparation ne sont pas absolues et irrémédiables ; car lorsque deux objets sont, l’un à l’égard de l’autre, dans un état de disproportion et de séparation absolues, il est impossible que celui qui occupe à l’égard de l’autre une situation inférieure, prenne conscience de cette disproportion et de cette séparation : dès qu’il en a conscience, elles cessent d’être absolues, et les relations, nous serions presque tenté de dire la proportion, entre les deux objets, sont rétablies. En bonne logique, il nous parait impossible qu’on ne tire pas de l’idée de disproportion ces diverses conclusions.

Or, en cela Pascal a été parfaitement logique. Il affirme les notions premières, qu’il appelle principes premiers[1]. Ces principes premiers sont certains, ou rien ne peut

  1. VIII, 6.