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On n’en peut guère douter en lisant ces pensées : « Je sens que je puis n’avoir point été : car le moi consiste dans la pensée ; donc moi qui pense n’aurait point été, si ma mère eût été tuée avant que j’eusse été animé. Donc je ne suis pas un être nécessaire. Je ne suis pas aussi éternel, ni infini ; mais je vois bien qu’il y a dans la nature un être nécessaire, éternel et infini. » (I. 11.) — Ainsi on peut bien connaître qu’il y a un Dieu sans savoir ce qu’il est. » (X. 1. Voir aussi VIII, 6).

Mais quand la raison spéculative survient et cherche à fixer cette notion première et nécessaire, pour en faire la base de son argumentation, le premier anneau d’un enchaînement de preuves rationnelles, elle ne peut aboutir qu’à une solution, qui est le pyrrhonisme ou l’athéisme ; si elle s’arrête au déisme, outre que cela n’en vaut pas beaucoup mieux, ce point d’arrêt n’est qu’une étape vers le terme fatal[1]. Tous ceux qui cherchent Dieu hors de Jésus-Christ, et qui s’arrêtent dans la nature, ou ils ne trouvent aucune lumière qui les satisfasse, ou ils arrivent à se former un moyen de connaître Dieu et de le servir sans médiateur : et par là, ils tombent ou dans l’athéisme, ou dans le déisme, qui sont deux choses que la religion chrétienne abhorre presque également. » (XXII, 6).

Et de ces deux systèmes Pascal n’hésite pas à dire que c’est le premier qui rationnellement est le plus fort ; c’est

  1. C’est ainsi qu’on doit expliquer, à notre avis, la contradiction apparente qu’il y a entre les pensées nettement sceptiques et les pensées affirmatives sur l’existence de Dieu. La même contradiction et le même point de vue se trouvent dans le chapitre 1er de l’épitre aux Romains, v. 19 et 20 cf. v. 21 ; ἐματαίωδησαν ἐν τοῖς διαλογισμοῖς αἰτῶν, καὶ ἐσκοτισθἦ ἡ ἀσύνετος αὐτων καρδία vise évidemment les philosophes et leur vaine spéculation.