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preignons de notre être composé toutes les choses simples que nous contemplons. » (I, 1). « Ces deux principes de vérité, dit-il encore, la raison et les sens, outre qu’ils manquent chacun de sincérité, s’abusent réciproquement l’un l’autre. Les sens abusent la raison par de fausses apparences ; et cette même piperie qu’ils apportent à la raison, ils la reçoivent d’elle à son tour : elle s’en revanche. Les passions de l’âme troublent les sens et leur font des impressions fausses. Ils mentent et se trompent à l’envi. » (III, 19).

Le désordre et la piperie sont plus grands encore au sein de l’être moral. Pascal dénonce l’imagination comme la plus fausse, la plus décevante et la plus remuante des puissances trompeuses. « C’est, dit-il, cette partie décevante dans l’homme, cette maîtresse d’erreur et de fausseté, et d’autant plus fourbe qu’elle ne l’est pas toujours ; car elle serait règle infaillible de vérité, si elle l’était infaillible de mensonge…… Cette superbe puissance, ennemie de la raison, qui se plait à la contrôler et à la dominer…… qui la fait croire, douter, nier… qui semble nous être donnée exprès pour nous induire à une erreur nécessaire, ». (III. 3.)

La volonté elle-même, appelée à guider l’être moral, le dévoie et le fourvoie. La volonté, qui est un des principaux organes de la créance, qui, si elle ne fait pas la créance, la détermine, se laisse elle-même déterminer moins et moins souvent par la raison que par l’agrément c’est-à-dire par des goûts ou des répugances irréfléchies. (X. 10.)

L’intérêt agit puissamment sur la volonté, et devient ainsi « un merveilleux instrument pour nous crever les yeux agréablement » (III. 3.)