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erreurs grossières et de nos grossiers mensonges ; elle explique bien les vides de notre âme, mais non ses vices positifs et ses poignantes misères. Pour expliquer les erreurs, les mensonges, les vices et les misères, qui sont plus qu’une simple privation, qui sont quelque chose de réel et de positif, il faut plus bien évidemment qu’un manque de proportion, il faut aussi un défaut de nature.

C’est bien ainsi que Pascal l’entend. Le fond essentiel de notre nature est profondément altéré et troublé. Nul accord entre nos facultés ; nulle harmonie par conséquent dans notre être. Nos facultés ne sont pas seulement limitées en étendue et en portée, elles sont encore en lutte les unes contre les autres et chacune d’elles devieat pour les autres ce que Pascal appelle une puissance trompeuse, c’est-à-dire une fautrice d’erreurs, de mal et de misères.

Et d’abord, l’homme n’est pas simple. L’union nécessaire et nécessairement mal assortie, de deux natures si différentes pour ne pas dire si incompatibles, union qui est à la fois le mystère le plus inexplicable, et le plus inéluctable des faits, qui constitue l’homme même, est une source de perpétuelles erreurs et de perpétuelles misères, erreurs et misères nécessaires comme la cause qui les produit. « Ainsi, si nous sommes simplement matériels, remarque Pascal, nous ne pouvons rien du tout connaître (vu qu’il ne nous est pas possible de connaître comment la matière se connaîtrait), et si nous sommes composés d’esprit et de matière, nous ne pouvons connaître parfaitement les choses simples, spiiituelles ou corporelles ; » car, « au lieu de recevoir les idées de ces choses pures[1], nous les teignons de nos qualités, et em-

  1. C’est-à-dire, au lieu de recevoir les idées pures, dans leur pureté, de ces choses. Havet, I, p. 8.