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chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, en la même proportion que le monde visible ; dans cette terre des animaux et enfin des cirons, dans lesquels il retrouvera ce que les premiers ont donné ; et, trouvant encore dans les autres la même chose, sans fin et sans repos, qu’il se perde dans ces merveilles, aussi étonnantes dans leur petitesse, que les autres dans leur étendue ; car qui n’admirera que notre corps, qui tantôt n’était pas perceptible dans l’univers, imperceptible lui-même dans le sein du tout, soit à présent un colosse, un monde, ou plutôt un tout, à l’égard du néant où l’on ne peut arriver.

« Qui se considère de la sorte s’effrayera de soi-même, et, se considérant soutenu dans la masse que la nature lui a donnée, entre ces deux abimes de l’infini et du néant il tremblera à la vue de ces merveilles… » (I. 1).

Voilà pour la place que le corps de l’homme, occupe dans l’univers. Or il y a une disproportion au moins égale entre l’esprit de l’homme et le monde intelligible, car, dit Pascal, « notre intelligence occupe dans l’ordre des choses intelligibles le même rang que notre corps dans l’étendue de l’espace. » (I. 1).

De cette disproportion générale, Pascal conclut sans peine notre incapacité de connaitre, tout au moins d’une connaissance sure. La connaissance est aussi un rapport et implique une rencontre, un accord entre deux termes, entre le sujet et l’objet. Si entre ces deux termes il y a éloignement invincible, la connaissance est impossible : s’il y a simple disproportion, elle est seulement relative et imparfaite.

La pensée de Pascal sur cet important sujet est très nettement exprimée. Placés comme nous le sommes, nous ne pouvons saisir et connaitre que « le milieu des