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avec lequel il se sent dans une relation nécessaire. Ces deux notions d’essence et de relation sont inséparables ; l’existence s’exprime nécessairement en un rapport. — Pascal estime donc que connaître l’homme en soi, comme pure essence, est impossible ; pour le bien connaitre, il faut le mettre à sa place et dans son milieu. « L’homme, dit-il, a rapport à tout ce qu’il connait. Il a besoin de lieu pour le contenir, de temps pour durer, de mouvement pour vivre, d’éléments pour le composer, de chaleur et d’aliments pour le nourrir, d’air pour respirer. Il voit la lumière, il sent le temps, enfin tout tombe sous son alliance. Il faut donc, pour connaitre l’homme, savoir d’où vient qu’il a besoin d’air pour subsister, etc… »  » I. 1.

Le rapport qui unit l’homme au monde extérieur est un rapport de disproportion, et cette disproportion est générale. D’abord comme corps. « La première chose qui s’offre à l’homme, dit Pascal, quand il se regarde, c’est son corps, c’est-à-dire une certaine portion de matière qui lui est propre. Mais pour comprendre ce qu’elle est, il faut qu’il la compare avec tout ce qui est au-dessus de lui et tout ce qui est au-dessous, afin de connaître ses justes bornes. »[1].

Entre cette petite portion de matière qui forme le corps de l’homme et l’ensemble de la matière qui constitue l’univers, la disproportion est effrayante. Nous ne pouvons nous dispenser de citer ce passage fameux : « Que l’homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté ; qu’il éloigne sa vue des objets bas qui l’environnent ; qu’il regarde cette éclatante lumière mise comme

  1. Cette pensée ne se trouve pas dans le manuscrit original, mais elle est dans l’édition de P. R. et nous parait bien évidemment être de Pascal (Voir Sainte-Beuve III, 354).