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dite libérale[1], défendirent le point de vue diamétralement opposé. D’après eux, Pascal entendait donner le pas aux preuves historiques sur les preuves morales. On comprend dès lors quelle devrait être leur conclusion : M. Scherer la formula avec netteté : « l’apologie de Pascal, dit-il, est aujourd’hui nulle : elle a vieilli, vieilli toute entière, méthode et arguments. Ainsi que l’a dit M. Rambert, il n’en reste que la préface, c’est-à-dire le tableau de la nature humaine. Mais ce tableau n’est pas un moyen d’apologie, c’est une étude morale. Pascal a fait son temps comme apologiste, il n’est plus qu’un des plus éloquents de nos moralistes. »

Sainte-Beuve, dans une note de son grand ouvrage sur Port- Royal, a donné le bulletin de ce grand tournoi théologique. Nous y renvoyons notre lecteur. [2]

Cette discussion semblait épuisée lorsque les récentes découvertes de M. Aug. Molinier lui ont donné un regain d’intérêt, et de nouveauté. D’après ce savant critique, toute la partie des Pensées relative à l’histoire du peuple juif, n’est autre chose que le résumé, plus ou moins développé, d’un ouvrage de polémique contre les juifs, écrit au XIIIe siècle, par un dominicain du nom de Raymond Martin, et intitulé « Pugio Fidei », le poignard de la foi.[3]

M. Astié ne pouvait pas manquer de s’emparer d’une telle découverte pour rouvrir le débat. Dans sa 2e édition[4] il outre son point de vue. Toute la seconde partie des Pensées, qui embarrassait si fort les admirateurs de Pascal et les défenseurs du christianisme, ne « relève pas, à proprement parler, de Pascal ; ces fragments sur le peuple juif, les figuratifs, les prophéties, constituent le tribut que l’immortel novateur a payé, à son insu, à la science suspecte du moyen-âge et à l’exégèse la plus

  1. MM. Eug. Rambert, Fr. Chavannes, E. Scherer, etc.
  2. Port-Royal, deuxième édition, tome III, p. 613 et suiv.
  3. Aug. Molinier. Les Pensées de Blaise Pascal, tome I. Préface xxxi à xxxv.
  4. Paris, Fischbacher, 1883.