V
Encore quelque chose surgit dans mon souvenir ainsi qu’un cauchemar. Un soir, après le thé, comme je lisais avec grand-père, et que grand’mère lavait la vaisselle, l’oncle Jacob, débraillé comme toujours, entra en coup de vent dans la pièce. Sans saluer, il lança sa casquette dans un coin ; puis, tout gesticulant et agité, il parla avec précipitation :
— Père, Mikhaïl fait le fou. Il a dîné chez moi, a bu et s’est mis à tout chambarder ; il a brisé les assiettes et les verres, déchiré une robe de laine qui appartient à un client, il a cassé les vitres, il m’a injurié et a insulté Grigory… Et maintenant, le voici qui arrive en vociférant : « Je vais chez le père pour lui arracher la barbe, je veux le tuer !… » Prenez garde !…
Grand-père se leva lentement. Son visage ridé sembla se contracter, s’effiler, et devint étroit et menaçant comme une hache.