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Un cavalier en casque de cuivre orné d’une crinière se présenta sur le seuil. Son cheval était couvert d’écume et l’homme hurla, en levant très haut son bras armé d’un petit fouet :

— Laissez passer !

Des clochettes résonnèrent. Tout était beau et amusant comme en un jour de fête. Grand’mère me poussa sur le perron.

— N’as-tu pas compris ce que je t’ai dit ? Va-t’en !

Impossible de désobéir. Je me rendis à la cuisine, où je me collai le nez à la fenêtre ; mais je n’apercevais plus le feu que des groupes noirs assemblés me cachaient ; seuls les casques de cuivre étincelaient parmi les têtes coiffées de casquettes de drap ou de bonnets de fourrure.

On étouffa rapidement l’incendie, en inondant les foyers qu’on piétina ensuite ; puis la police dispersa la foule et grand’mère revint à la cuisine.

— Qui est là ? Ah ! c’est toi ? Tu ne dors pas, tu as peur ? Ne crains rien, tout est fini…

S’asseyant à côté de moi, elle garda le silence. J’étais content que la nuit paisible et l’obscurité fussent revenues, et pourtant je regrettais le feu.

Grand-père, qui entrait, s’arrêta sur le seuil et appela :

— Mère ?

— Quoi ?

— T’es-tu brûlée ?

— Ce n’est pas grave !

Il frotta une allumette qui éclaira son vieux visage de putois tout maculé de suie, puis, sans se hâter, il s’assit à côté de sa femme :