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— Varioucha, si tu mangeais un peu ? Rien qu’un petit morceau, veux-tu ?

Elle ne répond ni ne bouge.

En général grand’mère parle en chuchotant ; mais quand elle s’adresse à ma mère, elle élève un peu la voix ; cependant il y a dans ses inflexions quelque chose de timide et de prudent : il me semble qu’elle a peur de ma mère et ce sentiment, que je comprends fort bien, nous rapproche et nous unit.

— Voilà Saratof, s’écrie tout à coup maman sur un ton dur et irrité. Où est le matelot ?

Quelles paroles bizarres et nouvelles elle emploie maintenant : « Saratof, matelot » !

Un gros homme à cheveux gris et vêtu de bleu entra dans la cabine ; il apportait une petite caisse dont grand’mère le débarrassa et où elle étendit le corps de mon frère, puis elle se dirigea vers la porte, les bras tendus ; mais elle était trop grosse pour passer par l’étroite issue autrement qu’en travers et elle s’arrêta sur le seuil, embarrassée.

— Ah ! maman ! s’écria ma mère en lui enlevant le cercueil.

Là-dessus toutes deux disparurent et je restai dans la cabine à examiner l’homme en bleu.

— Alors, il est parti, ton petit frère ! s’exclama-t-il en se penchant sur moi.

— Qui es-tu ? répliquai-je.

— Un matelot.

— Et Saratof, qui est-ce ?

— Une ville. Regarde par la fenêtre, tu la verras.

Derrière la vitre, la terre semblait courir noire et déchiquetée ; de la fumée, du brouillard s’en exhalaient