fichu sur ses cheveux et, jusqu’à ce que je fusse endormi, dévidait son histoire :
— Le Seigneur est assis sur une colline, au milieu des champs du paradis, sur un trône de saphir, sous des tilleuls d’argent. Ces tilleuls sont fleuris toute l’année, car il n’y a au paradis ni automne ni hiver et les fleurs ne se fanent jamais. Autour du Seigneur, les anges volent et tourbillonnent comme des flocons de neige ou des essaims d’abeilles ; on dirait des colombes blanches qui descendent du ciel sur la terre pour remonter encore raconter à Dieu tout ce qui se passe dans ce monde. Chacun a son ange, tu as le tien, j’ai le mien et grand-père a le sien lui aussi, car tous les hommes sont égaux devant Dieu. Et ton ange raconte au bon Dieu : « Alexis a tiré la langue à son grand-père ! » Alors Dieu commande : « Il faut que le grand-père le fouette ! » Et il en est de même pour tout le monde, Dieu donne à chacun selon ses mérites ; aux uns Il accorde de la joie, aux autres Il envoie du chagrin. Et tout est si bien arrangé que les anges, comblés d’allégresse, battent des ailes et chantent perpétuellement : « Gloire à Toi, Seigneur, gloire à Toi ! » Le bon Dieu, Lui, se contente de sourire, comme s’Il leur disait : « C’est bon, c’est bon ! »
Et grand’mère souriait aussi en secouant la tête.
— Tu as vu tout cela ?
— Non, mais je le sais ! affirmait-elle d’un ton pensif !
Quand elle parlait de Dieu, du paradis et des anges, elle devenait toute petite ; son visage rajeunissait ; ses yeux humides rayonnaient. Je m’emparais