Tout cela était fort intéressant ; j’étais sans cesse aux aguets et toutes ces choses faisaient naître en mon cœur une mélancolie douce et très supportable. La tristesse et la joie vivaient côte à côte en ces êtres ; elles étaient presque inséparables et se succédaient avec une rapidité incompréhensible.
Un soir, l’oncle Jacob, sans être très ivre et après avoir déchiré sa blouse, se mit à tirailler frénétiquement ses cheveux, à tourmenter tantôt sa moustache maigrelette et blonde, tantôt son nez et sa lèvre pendante.
— Qu’est-ce que cela signifie, hein ? À quoi bon ? geignait-il tout en larmes.
Il se frappa le visage, le front, la poitrine, sanglotant toujours :
— Je suis un misérable, un coquin, une âme brisée…
Grigory mugit :
— Ah ! Ah ! Voilà ce que tu as sur le cœur…
Et grand’mère, qui n’était pas non plus à jeun, prit son fils par le bras et essaya de le calmer :
— Tais-toi, Jacob, Dieu sait bien ce qu’il nous enseigne…
Quand elle avait bu, elle devenait encore plus belle ; ses yeux noirs souriaient et projetaient sur tous ceux qui l’entouraient une lumière qui réchauffait l’âme. Tout en éventant avec son mouchoir son visage enflammé, elle susurrait d’une voix chantante :