grand’mère. Je gâtai le certificat en gribouillant dessus je ne sais quoi, ensuite je le confiai à mon aïeul qui le cacha sans le déplier ni remarquer ma gaminerie que je devais payer plus tard.
J’en avais fini avec l’école et je recommençai à vivre dans la rue ; c’était plus agréable encore qu’auparavant. On était en plein printemps et j’avais moins de peine à gagner mon pain. Le dimanche, de grand matin, toute notre bande partait pour la campagne ; nous nous engagions dans un bois de sapin, d’où nous ne rentrions que tard dans la soirée, les membres lourds d’une fatigue bienfaisante et plus amis encore qu’auparavant.
Mais cette vie ne dura pas longtemps. Mon beau-père fut encore renvoyé de sa place et disparut de nouveau. Ma mère et mon petit frère Nicolas revinrent demeurer chez grand-père et l’on m’attribua les fonctions de bonne d’enfants, grand’mère étant partie en ville chez un riche marchand pour lequel elle brodait un suaire.
Silencieuse et décharnée, ma mère pouvait à peine remuer les jambes, et ses yeux avaient pris une expression terrifiante. Mon frère était scrofuleux et si faible qu’il n’avait pas même la force de pleurer très fort ; quand il avait faim il gémissait tout bas sur un ton qui vous bouleversait. Lorsqu’il était repu, il sommeillait et soupirait drôlement, ronronnant comme un petit chat. Il avait des plaies au coude.
Grand-père, à son arrivée, le tâta avec attention et déclara :
— Il faudrait qu’il soit très bien nourri ; mais