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chez les Troussof, observait Tchourka, toujours bien informé.

Viakhir rêvait tout haut, en regardant par la fenêtre qui ouvrait sur le cimetière :

— Bientôt, nous pourrons aller nous promener dans la forêt…

Jaze gardait toujours le silence ; ses yeux mélancoliques se posaient tour à tour sur chacun des assistants et le fixaient avec attention. C’était en silence aussi qu’il nous montrait ses jouets, soldats de bois extraits des tas d’ordures, chevaux sans pieds, boutons et fragments de métal.

Son père plaçait sur la table des tasses dépareillées, des gobelets, et enfin le samovar. Kostroma servait le thé tandis que le gardien, après avoir bu son eau-de-vie, grimpait sur le poêle, tendait son long cou dans notre direction, nous examinait avec ses yeux de hibou et grommelait :

— Oh ! puissiez-vous crever ! On ne dirait pas que vous êtes des gamins ! Ah ! petits voleurs, que Dieu me préserve de l’insomnie ! Oukh !

Viakhir lui répliquait :

— Nous ne sommes pas du tout des voleurs !

— Eh bien, des larronneaux !

Quand le gardien nous ennuyait par trop, Tchourka lui criait avec rudesse :

— Silence, vilain homme !

Viakhir, Tchourka et moi, n’aimions pas à entendre le gardien énumérer les demeures où se trouvaient des malades ou des gens en danger de mort ; il brodait avec plaisir sur ce thème-là, et jamais aucun sentiment de pitié ne se manifestait dans son