sur une de ces touffes poussiéreuses, Viakhir grommelait d’un air irrité :
— Pourquoi écrases-tu cette herbe ? Assieds-toi donc à côté, sur le sable ; n’est-ce pas la même chose pour toi ?
Quand il était là, on éprouvait de la gêne à casser une branche de saule, à arracher un rameau de sureau fleuri ou à couper une tige d’osier au bord de l’Oka. Il se récriait toujours, haussant les épaules et laissait tomber ses bras :
— Pourquoi avez-vous besoin de tout casser ? Ah ! quels diables !
Et sa stupéfaction rendait tout le monde honteux.
Le samedi, on se livrait à un joyeux divertissement, auquel on s’était du reste préparé pendant toute la semaine en ramassant dans les rues les vieilles chaussures de tille éculées qu’on cachait dans des coins. Le samedi soir donc, quand les portefaix tatares du « débarcadère de Sibérie » rentraient par bandes à la maison, nous prenions position à l’un des carrefours et nous les bombardions avec ces projectiles. Au début, ils se fâchèrent, nous insultèrent et même nous donnèrent la chasse ; mais bientôt, le charme du jeu les entraîna et, sachant par avance ce qui les attendait, ils arrivèrent sur le champ de bataille munis eux aussi de chaussures de tille. Ils nous volèrent même plus d’une fois notre matériel de guerre, ayant déniché les recoins où nous le dissimulions ; nous nous plaignions de ce procédé déloyal :
— Ce n’est pas de jeu, cela !
Ils nous rendaient alors la moitié de notre butin et