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découvrir dans les rigoles une grande quantité de clous et beaucoup de ferraille ; souvent même, on y trouvait de l’argent : pièces blanches et monnaie de cuivre. Mais les gardiens des boutiques vides nous pourchassaient et nous enlevaient nos sacs si nous ne leur graissions la patte au préalable ou si nous ne leur faisions toutes sortes de salamalecs. En général, nous ne gagnions pas notre argent avec facilité, mais nous vivions en bonne harmonie ; quelquefois, nous nous querellions bien un peu ; cependant je ne me rappelle pas qu’il y ait jamais eu de batterie sérieuse entre nous.

Viakhir jouait toujours le rôle de pacificateur ; il avait le tact de prononcer au moment opportun les paroles simples qui nous faisaient rentrer en nous-mêmes et nous remplissaient de confusion. Il les proférait avec une sorte d’étonnement. Les violentes sorties de Jaze ne l’offensaient ni ne l’effrayaient ; il jugeait inutile tout ce qui était méchant et il blâmait d’un ton calme et convaincant :

— Pourquoi as-tu encore fait ça ? demandait-il, et nous sentions, qu’en effet, il n’y avait aucune raison pour agir de la sorte.

Il appelait sa mère : « Ma Mordouane » et nous n’en riions pas.

— Hier soir, ma Mordouane est encore rentrée soûle comme une grive ! racontait-il gaîment, et ses yeux ronds couleur d’or étincelaient. Elle ouvre la porte toute grande, s’assied sur le seuil et se met à chanter ! Une vraie poule !

Tchourka, toujours positif, s’informe :

— Qu’est-ce qu’elle chantait ?