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a passé quatre-vingts ans. Qu’il fasse donc des sottises ; cela ne fait de tort à personne ! Et je saurai gagner ton pain et le mien, n’aie pas peur !

Moi aussi je commençais à gagner de l’argent ; le dimanche et les jours de fêtes, je me levais de grand matin et, muni d’un sac, je faisais une tournée dans les cours et dans les rues pour ramasser les os de bœuf, les chiffons, les clous et les morceaux de papier. Les chiffonniers payaient vingt copecks pour quarante livres de chiffons de papier ou de ferraille ; ils donnaient moitié moins pour les os, et même descendaient jusqu’à huit copecks seulement. Je m’adonnais à ce commerce : après l’école et chaque samedi, je touchais trente, cinquante copecks et même davantage quand j’avais de la chance. Grand’mère acceptait mes sous et les enfonçait très vite dans la poche de sa jupe ; baissant les yeux, elle me complimentait.

— Grand merci, petite âme de pigeon. Nous allons pouvoir manger tous les deux, n’est-ce pas ? C’est une bonne affaire !

Une fois je la surpris qui tenait mes pièces de cuivre dans sa main ; elle les regardait et pleurait en silence. Une grosse larme était même restée suspendue à son nez spongieux et bourgeonné.

Ce qui rapportait plus encore que de vendre des chiffons, c’était de voler du bois de chauffage ou de menuiserie dans les chantiers situés au bord de l’Oka ou aux Sablons. Dans cette île, durant la foire, on vendait du fer sous des hangars légèrement construits. Sitôt la foire terminée, on démolissait ces hangars ; perches et voliges étaient mises en tas et