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— Allons prendre le thé, proposa grand-père en me prenant par l’épaule. Ta destinée, paraît-il, est de vivre avec moi ; tu te frotteras donc souvent à moi, comme une allumette sur une brique !

Du matin au soir, nous travaillions en silence au jardin : il préparait les couches, attachait les framboisiers, enlevait la mousse des pommiers, écrasait les chenilles ; moi, j’aménageais et j’embellissais mon habitation. Mon aïeul avait coupé à la hache l’extrémité de la poutre calcinée et planté dans le sol des bâtons auxquels j’avais suspendu mes cages avec leurs habitants. En outre, après avoir, avec des herbes sèches, tissé une sorte de paillasson épais, je disposai au-dessus du banc un auvent qui me préservait de la rosée et du soleil. J’avais ainsi tout le confort désirable.

Grand-père m’approuvait.

— Il est très utile pour toi d’apprendre à t’organiser le mieux possible.

J’attachais beaucoup de valeur à ses paroles. Parfois, il s’étendait sur le siège recouvert de gazon par mes soins et d’une voix lente, comme s’il eût eu de la peine à sortir les mots, me déclarait :

— Maintenant tu es pareil à un morceau détaché de ta mère ; elle aura d’autres enfants qui lui seront plus chers que toi. Quant à grand’mère, elle s’est remise à boire…

Il se taisait un long moment, comme s’il écoutait quelque chose, et de nouveau, laissait tomber des paroles pesantes :

— C’est la deuxième fois qu’elle s’adonne à ces excès ; au moment où Mikhaïl aurait dû partir pour