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faut bien qu’elle, au moins, vive convenablement !

Il jeta la bêche et, laissant retomber les bras d’un geste découragé, s’en alla derrière la chambre à lessive, dans un coin du jardin où étaient remisés les outils. Je voulus continuer seul la besogne commencée, mais je n’en étais pas à mon troisième coup de bêche que je me broyais un doigt de pied.

Cet incident m’empêcha d’accompagner ma mère à l’église le jour de son mariage : je ne pus que la suivre jusqu’à la porte cochère. La tête baissée, elle donnait le bras à Maximof. On aurait dit qu’elle marchait sur des pointes de clous tant elle posait avec précaution ses pieds sur les briques du trottoir et sur les touffes d’herbe qui sortaient des fentes.

Ce fut une noce tranquille ; en rentrant de l’église, on prit le thé sans beaucoup d’enthousiasme et ma mère s’en fut tout de suite dans sa chambre changer de toilette et faire ses malles ; mon beau-père s’assit à côté de moi et me dit :

— Je t’ai promis une boîte de couleurs ; mais on n’en trouve point de jolies ici ; et comme je ne puis pas te donner la mienne, je t’en enverrai une de Moscou…

— Et que faudra-t-il que j’en fasse ?

— Tu n’aimes pas la peinture ?

— Je ne sais pas peindre.

— Eh bien, je t’enverrai autre chose.

Ma mère s’approcha de nous :

— Nous reviendrons bientôt. Dès que ton père aura passé ses examens et terminé ses études, nous reviendrons…

Ils me parlaient comme à une grande personne,