un brave homme. « Prenez garde, nous a-t-il prévenus en s’en allant, s’il arrive un malheur chez vous, je saurai où chercher les coupables ! » Grand-père alors s’est approché de Maxime et lui a dit : « Je te remercie, un autre n’aurait peut-être pas agi ainsi à ta place, et cela se comprend ! Merci à toi, ma fille, pour avoir amené un honnête homme dans la maison de ton père ! » Car il s’entendait bien à parler, le vieux, quand il voulait ! Ce n’est que plus tard, par bêtise, qu’il a cadenassé son cœur. Quand Varioucha et moi nous fûmes seules avec Maxime, il se mit à pleurer et à délirer, semblait-il : « Pourquoi me traitent-ils ainsi, quel mal leur ai-je fait ? Dites, maman ! » Il ne m’appelait pas mère, mais maman, comme un petit enfant ; il avait d’ailleurs un caractère d’enfant. « Pourquoi ? » demandait-il. Moi, je pleurais toutes les larmes de mon corps ; que pouvais-je faire d’autre ?… J’avais aussi pitié de mes deux fils. Ta mère avait arraché tous les boutons de son corsage ; échevelée, comme après une bataille, elle hurlait : « Allons-nous-en, Maxime. Mes frères sont nos ennemis, ils me font peur ; allons-nous-en ! » Je la suppliai : « Ne jette pas de l’huile sur le feu ; on étouffe déjà dans la maison ! » Grand-père ayant exigé que les deux imbéciles vinssent demander pardon, elle se précipita sur Mikhaïl, et pan ! sur la poire ! « Tiens, le voilà, ton pardon ! » Ton père, plus calme et grave, leur a dit simplement : « À quoi avez-vous pensé, frères ? J’aurais pu rester infirme, à cause de vous ! Comment par la suite aurais-je travaillé, sans mes bras ? » Ils firent la paix, comme ci, comme ça. Ton
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