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« Tout passe, et ce qui doit être sera ! » Il m’a dit ensuite : « Écoute, Akoulina, et prends bien garde à mes paroles : tu n’as plus de fille, ne l’oublie pas ! » Moi, je pensai : « Tu radotes, rouquin, la colère est comme la glace : elle fond à la première chaleur ! »

J’écoutais avec attention, avec passion. Dans le récit de grand’mère, il y avait différentes choses qui me surprenaient ; grand-père m’avait donné du mariage de ma mère une version toute différente ; opposé à cette union, il avait interdit à ma mère de revenir à la maison après la noce, mais, selon lui, elle ne s’était pas mariée en cachette, et il avait même assisté à la cérémonie. Je n’avais pas envie de demander à grand’mère des précisions : sa version à elle étant la plus jolie, je l’adoptai.

— Les premiers temps, pendant près de quinze jours, — continua-t-elle, j’ignorais totalement où nichaient Varioucha et Maxime ; mais un petit gamin débrouillard qu’elle m’envoya m’indiqua leur retraite. J’attendis jusqu’au samedi et, prétextant que j’allais à complies, je me rendis tout droit chez eux. Ils s’étaient installés très loin, à la descente Souétinsky, dans un petit logis dont la cour était encombrée d’ateliers de toutes sortes. C’était sale et bruyant ; mais ils n’y prenaient pas garde : joyeux comme deux chats, ils ronronnaient et jouaient. Je leur avais apporté tout ce que je pouvais : thé, sucre, gruau d’avoine et de blé vert, confiture, farine, champignons secs, et même de l’argent ; je ne me rappelle pas la somme que j’avais peu à peu subtilisée à grand-père, car on peut voler quand ce n’est pas pour soi ! Ton père n’a rien voulu accepter ; il menaçait de se