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qui se conviennent. Grand-père se trémoussait comme un possédé ; il appela Jacob, Mikhaïl, demanda le concours de l’ouvrier calfat et celui de Kline, le cocher ; je vis qu’il prenait comme arme un boulet de fer attaché à une courroie et que Mikhaïl s’était muni d’un fusil. Nous avions des chevaux vigoureux et ardents, une voiture légère. « Mon Dieu, pensai-je, ils vont les rattraper ! Que faire ? » C’est alors que l’ange gardien m’inspira : je pris un couteau et j’entaillai la corde près du limon, de façon qu’elle cassât en chemin. Ce fut en effet ce qui arriva : grand-père, Mikhaïl et Kline faillirent être tués. Ils durent s’arrêter quelque temps et quand, une fois le désastre réparé, ils arrivèrent au galop à l’église, Varioucha et Maxime étaient sur le parvis, mariés, grâce à Dieu !

» Nos hommes essayèrent bien d’attaquer Maxime, mais celui-ci était d’une force extraordinaire. Il jeta Mikhaïl à terre en lui meurtrissant le bras ; il rossa Kline ; et grand-père, ainsi que Jacob et l’ouvrier n’osèrent pas le toucher.

» Dans sa colère, d’ailleurs, Maxime ne perdit pas son sang-froid. Il dit au grand-père : « Pose ton casse-tête. Ne t’en sers pas contre moi ; je suis un garçon tranquille. Ce que j’ai pris, Dieu me l’a donné et personne ne peut plus me l’enlever ; je ne veux rien d’autre de toi. » Enfin, grand-père remonta dans son tarantas en criant : « Adieu, Varioucha, tu n’es plus ma fille ; je ne veux plus te revoir ; tu peux crever de faim, cela m’est égal ! » À son retour, il m’a injuriée et rouée de coups. J’en ai un peu gémi, mais j’ai réussi à garder le silence, pensant en moi-même :