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et elle était toujours plus belle que les autres ; puis elle partait avec ses amis.

Chaque fois qu’elle franchissait la porte cochère accompagnée de la bande joyeuse de ses hôtes, il me semblait que la maison s’enfonçait dans la terre ; tout devenait silencieux, angoissant et ennuyeux. Grand’mère, errant par le logis, pareille à une vieille mère-l’oie, remettait tout en ordre tandis que mon aïeul, le dos appuyé aux tièdes carreaux du poêle, monologuait :

— C’est bon, c’est entendu… Nous verrons ce qui en résultera…

Après le jour de l’an, ma mère nous conduisit à l’école, mon cousin Sacha et moi. Mon oncle Mikhaïl s’était remarié et, dès les premiers jours, sa femme, ayant pris son beau-fils en grippe, l’avait férocement battu. Sur les instances de grand’mère, mon aïeul avait offert de se charger de lui. Nous fréquentâmes donc l’école pendant un mois à peu près. De tout ce qu’on m’y enseigna, je me rappelle seulement ceci :

À la demande :

— Comment t’appelles-tu ?

on ne devait pas répondre simplement :

— Pechkof,

mais il fallait dire :

— Mon nom est Pechkof.

Il était également interdit de s’adresser au maître en ces termes :

— Ne crie pas tant, frère, je n’ai pas peur de toi.

L’école me déplut dès l’abord ; mon cousin, lui, s’en déclara très satisfait, les premiers temps du