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chaussait ses lunettes à monture d’argent et considérait cette signature en fronçant le nez. Bien des fois, je lui avais demandé quel était ce livre ; il m’avait toujours répondu d’un ton sentencieux :

— Tu n’as pas besoin de le savoir. Quand je mourrai, je te le léguerai, ainsi que ma pelisse de civette.

Il adressait moins souvent la parole à ma mère, la traitait avec plus de douceur et écoutait attentivement ses propos.

— C’est bien, c’est bien ! Fais ce que tu veux…

Il possédait dans ses malles quantité de vêtements extraordinaires : jupes de soie, mantelets de satin doublés de fourrure, longues robes de brocart tissé d’argent, coiffures et diadèmes brodés de perles, fichus et coiffes de teintes vives, lourds colliers, pierreries de toutes couleurs. Il apportait tout cela par brassées dans la chambre de ma mère et étalait ces colifichets sur les chaises et sur les tables. Ma mère admirait et il lui disait :

— Dans mon jeune temps, l’habillement était bien plus riche et plus beau qu’aujourd’hui. On avait des vêtements somptueux, on vivait mieux et il y avait aussi davantage d’harmonie. Ces temps-là sont passés et ne reviendront plus ! Tiens, essaye cela, déguise-toi…

Déférant à son désir, ma mère passa dans la pièce voisine et revint, parée d’une robe princesse bleu foncé brodée d’or et d’un diadème perlé. S’inclinant très bas devant mon aïeul, elle lui demanda :

— Suis-je bien ainsi, monsieur mon père ?