étaient rassasiés, ils allaient gravement s’asseoir sur d’autres chaises et, sans trop insister, on demandait à l’oncle Jacob de faire un peu de musique.
Il s’exécutait : penché sur sa guitare, et pinçant les cordes, il chantonnait d’une voix désagréable et obsédante :
Eh ! nous avons vécu comme nous avons pu, en criant par la ville.
On a tout raconté en détail à la dame de Kazan.
Je trouvais cette mélodie très triste ; grand’mère aussi, sans doute, car elle disait :
— Jacob, si tu nous jouais autre chose, une véritable chanson ! Te rappelles-tu, Matriona, les belles chansons qu’on savait dans le temps ?
La blanchisseuse tapotait sa robe et répondait d’un ton sentencieux :
— La mode a changé, ma chère…
Mon oncle, pour regarder grand’mère, plissait les paupières comme si elle avait été très loin de lui, et s’obstinait à émettre des sons lugubres.
Grand-père, énumérant quelque chose sur ses doigts, conversait mystérieusement avec l’horloger ; l’autre, le sourcil haussé, regardait du côté de ma mère et hochait la tête, tandis que son visage huileux tremblotait.
Ma mère, elle, s’asseyait toujours entre les deux Serguiéf : à voix basse et d’un air grave elle s’adressait à Vassily qui soupirait et répondait :
— Oui, il faut réfléchir à cela…
Victor souriait, repu et satisfait, traînant les pieds sur le plancher jusqu’à ce qu’il reprît sa rengaine :