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— Sais-tu que c’est une punition que d’être relégué dans un coin ?

— Non. Pourquoi est-ce une punition ?

Elle poussa un soupir.

— Hou ! Viens ici !

Je m’approchai d’elle et demandai :

— Pourquoi te fâches-tu contre moi ?

— Et pourquoi estropies-tu volontairement les vers que je te donne à apprendre ?

Tant bien que mal, je lui expliquai que, lorsque je fermais les yeux, je me rappelais les vers tels qu’ils étaient imprimés, mais dès que je récitais, d’autres mots me venaient à l’esprit.

— Ne jouerais-tu pas la comédie ?

Je répondis négativement, mais aussitôt, je me demandai si, en effet, il n’y avait pas là quelque hypocrisie de ma part. Et soudainement, sans me hâter, je récitai les vers d’une façon si correcte que j’en restai étonné et anéanti.

Sentant que mon visage s’empourprait, que mes oreilles s’alourdissaient et s’injectaient de sang et qu’un bourdonnement désagréable résonnait dans mon cerveau, je demeurai debout devant ma mère, écrasé de honte ; à travers mes larmes, je vis que sa figure s’était assombrie et attristée, que ses sourcils se fronçaient et qu’elle pinçait les lèvres.

— Qu’est-ce que cela veut dire ? demanda-t-elle d’une voix changée. Tu le faisais donc bien exprès…

— Je ne sais pas. C’est sans le vouloir…

— Que tu es pénible ! conclut-elle en baissant la tête. Va-t’en !

Elle exigea que j’apprisse tous les jours de nouvelles