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Ma mère eut un rire amusé.

Restée seule avec moi dans sa chambre, elle s’assit sur le canapé les jambes repliées à la turque, tapant du plat de la main sur le meuble, elle m’appela :

— Viens vers moi ! Comment vis-tu ? Mal, n’est-ce pas ?

Comment je vivais ?

— Je ne sais pas.

— Est-ce que grand-père te fouette ?

— Pas beaucoup, maintenant.

— Vraiment ? Dis-moi ce que tu voudrais !… Allons !

Je n’avais pas envie de parler de grand-père et je me mis à lui raconter que dans cette même chambre avait habité un homme très sympathique, mais que personne n’aimait et auquel grand-père avait donné congé. Cette histoire déplut visiblement à ma mère ; elle continua :

— Et puis quoi, que sais-tu encore ?

Je parlai des trois petits garçons, ainsi que du colonel qui m’avait renvoyé ; alors, elle me serra énergiquement dans ses bras.

— Quelle fripouille !

Un silence plana ; les paupières baissées, elle hochait la tête. Je la questionnai à mon tour :

— Pourquoi grand-père est-il si furieux contre toi ?

— Parce que j’ai mal agi envers lui.

— Tu aurais mieux fait de lui amener l’enfant…

Elle sursauta, fronça le sourcil et se mordit les lèvres ; puis soudain, elle se mit à rire aux éclats en me serrant de nouveau contre sa poitrine :