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en les enfonçant dans l’eau avec un petit brin d’osier. Je connaissais déjà quantité d’histoires de ce genre que m’avaient racontées mes grands-parents. Quoiqu’elles fussent différentes, elles se ressemblaient étrangement ; dans chacune d’elles, on tourmentait quelqu’un, on se moquait d’un serf et on le persécutait. Ces anecdotes m’ennuyaient ; je ne voulais plus les entendre et je demandais au charretier :

— Parle-moi d’autre chose !

Ses rides s’abaissaient vers la bouche, puis se relevaient vers le nez et Piotre acquiesçait :

— C’est bon, petit malcontent ; en voici une autre. Nous avions un cuisinier…

— Chez qui ?

— Chez la comtesse Tatiana Alexiévna. Il y avait donc un cuisinier… Ah ! ça, c’est une histoire amusante…

L’amusant consistait en ceci que le cuisinier, n’ayant pas réussi un pâté de poisson, avait été obligé de le manger tout entier, en une seule fois. Il en était naturellement tombé malade…

Je me fâchais :

— Ce n’est pas drôle du tout !

— Qu’est-ce qui est drôle alors ? dis-moi.

— Je ne sais pas…

— Dans ce cas, tu ferais mieux de te taire…

Quelquefois, le dimanche ou les jours de fête, mes cousins venaient en visite ; Sacha, mélancolique et paresseux, et Sachka, correct, minutieux et au courant de tout. Un jour, en voyageant tous trois sur les toits, nous aperçûmes dans la cour des Betleng un monsieur chauve en habit vert doublé de fourrure ;