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écrasaient les mottes de boue gelée. Immédiatement après son départ, grand’mère se mit à laver et à nettoyer la chambre qu’il occupait, mais j’y vins avec elle et m’y promenai de long en large pour la gêner dans sa besogne.

— Ôte-toi de là, criait-elle en se cognant contre moi.

— Pourquoi l’avez-vous mis à la porte ?

— Petit curieux, ne jase donc pas tant !

— Vous êtes tous des imbéciles, déclarai-je.

Elle essaya de me fouailler avec son torchon mouillé.

— Mais tu deviens fou, polisson !

— Pas toi, tous les autres sont des imbéciles ! repris-je, mais ce correctif n’apaisa pas grand’mère.

Au souper, grand-père s’épanouit :

— Dieu merci, le voilà parti ! Toutes les fois que je le voyais, c’était comme si on m’avait donné un coup de poignard et je pensais : « Il faut absolument s’en débarrasser ! »

De rage, je cassai une cuiller et je fus corrigé, une fois de plus.

C’est ainsi que prit fin ma première liaison avec l’un de ces innombrables hommes qui sont des étrangers dans leur propre patrie bien qu’ils soient les meilleurs de ses fils…