— Tiens, va tailler les framboisiers ! me dit-il, et il me tendit le sécateur.
Je lui demandai :
— Qu’est-ce que peut bien fabriquer Bonne-Affaire ?
— Il abîme la chambre, répondit mon aïeul avec irritation. Il a déjà brûlé le plancher, sali et déchiré la tapisserie : je vais lui dire qu’il ferait mieux de déménager !
— Tu feras bien, en effet, acquiesçai-je, et je me mis à tailler les branches sèches des framboisiers.
Mais j’avais parlé trop vite.
Par les soirs de pluie, lorsque grand-père sortait, mon aïeule organisait à la cuisine des réunions extrêmement intéressantes, auxquelles tous les locataires étaient conviés : charretiers et ordonnances venaient prendre le thé avec nous. On y voyait aussi la pétulante Petrovna, et, parfois même, la joyeuse femme du militaire. Quant à Bonne-Affaire, il était toujours présent, muet et immobile dans son coin, près du poêle, tandis que Stépa le simple jouait aux cartes avec le Tatare Valéy.
L’oncle Piotre, en venant, ne manquait pas d’apporter une grosse miche de pain blanc avec un pot de confitures dont il recouvrait généreusement le pain coupé en petits morceaux. Ensuite, s’inclinant très bas, la paume de la main servant de plateau, il offrait à chacun une ou plusieurs de ses tartines :
— Je vous en prie, servez-vous ! disait-il d’une voix affable.
Quand on avait accepté une tranche de pain, il examinait avec attention sa main noire et, s’il y