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— Regarde donc comme il s’échauffe, mère ! Ah ! peste d’Astrakhan, pourquoi hurles-tu ainsi ?

— C’est vous qui hurlez…

Je riais en regardant mes grands-parents : grand’mère, accoudée, les poings aux pommettes, nous surveillait en souriant ; elle remarqua :

— Vous êtes assez éreintés, tous les deux !

Grand-père amicalement s’excusait :

— Je crie parce que je suis malade ; mais toi, pantin, pourquoi brailles-tu ?

Et, secouant sa tête ruisselante, il déclara à grand’mère :

— Elle s’est trompée, la pauvre Nathalie. Cet enfant a une mémoire de cheval, Dieu merci ! Continue, clampin !

Enfin, il me poussa gaîment en bas du lit :

— C’est assez ! Garde le livre. Demain, tu me réciteras tout l’alphabet sans te tromper et je te donnerai cinq copecks.

Lorsque je tendis la main pour prendre le livre, il m’attira de nouveau à lui et, d’une voix attristée, me confia :

— Ta mère t’a jeté à l’abandon par le monde, mon petit.

Grand’mère s’effara :

— Ah ! père, pourquoi parles-tu de la sorte ?

— Je ne l’aurais pas fait si le chagrin ne m’y avait forcé… Ah ! cette fille-là, se perdre ainsi !

Il me repoussa brusquement.

— Va te promener ! Je te défends d’aller dans la rue ; reste au jardin ou dans la cour.

C’était justement au jardin que j’avais affaire :