et, les dernières années, elle avait même oublié qu’il en existait.
— C’est ceux-là que nous inquiétons ! pensa-t-elle.
— Monsieur André Onissimov Nakhodka, fils de père inconnu, je vous arrête !
— Pourquoi ? demanda celui-ci avec calme.
— Je vous le dirai plus tard ! répondit l’officier avec une politesse malveillante.
Et se tournant vers Pélaguée, il lui cria :
— Sais-tu lire et écrire ?
— Non ! intervint Pavel.
— Ce n’est pas toi que j’interroge ! fit sévèrement l’officier ; il reprit :
— Réponds, la vieille, sais-tu lire et écrire ?
Envahie par un sentiment de haine instinctive envers cet homme, la mère se redressa soudain, toute tremblante, comme si elle eût plongé dans un fleuve glacé ; sa balafre devint écarlate et son sourcil s’abaissa.
— Ne criez pas ! dit-elle en tendant le bras vers l’officier. Vous êtes encore jeune, vous ne savez pas ce que c’est que la souffrance…
— Calmez-vous, maman ! interrompit son fils.
— Il vaut mieux retenir son cœur et se taire ! conseilla le Petit-Russien.
— Attends, Pavel ! s’écria la mère avec un élan vers la table… Pourquoi arrêtez-vous les gens !
— Ça ne vous regarde pas… taisez-vous ! cria l’officier en se levant. Ramenez Vessoftchikov !
Et il se mit à lire un papier, en l’élevant à la hauteur de son visage.
On introduisit le jeune homme.
— Enlève ta casquette ! cria l’officier, interrompant sa lecture.
Rybine s’approcha de Pélaguée et, la poussant de l’épaule, lui dit à voix basse :
— Ne vous échauffez pas, la mère !
— Comment pourrais-je enlever ma casquette quand on me tient les mains ? demanda Vessoftchikov.
L’officier lança le procès-verbal sur la table.
— Signez ! fit il brièvement.
La mère regarda les assistants signer le document, son excitation était tombée, le courage lui manquait ; d’amères larmes d’impuissance et d’humiliation montaient