je cette nuit pour m’aider. Avant de vous endormir, éteignez la lampe.
Elle ajouta deux bûches au feu et sortit par l’étroite porte ménagée à côté du poêle, qu’elle referma soigneusement après elle. Pélaguée la suivit des yeux ; machinalement elle songeait à son hôtesse, tout en se déshabillant :
« Elle est sévère… et elle souffre… la pauvre ! »
La lassitude faisait tourner la tête de la mère ; cependant son cœur était étrangement calme ; à ses yeux, tout s’éclairait d’une lumière douce et caressante. Pélaguée connaissait déjà ce calme qui suit toujours les grandes émotions ; auparavant, il l’inquiétait, mais maintenant il élargissait son âme et la raffermissait par un sentiment fort et grand. Elle éteignit la lampe, se coucha dans le lit froid, se pelotonna sous la couverture et s’endormit aussitôt d’un sommeil profond.
Lorsqu’elle ouvrit les yeux, la chambre était pleine de la lueur glacée et blanche d’une claire journée d’hiver ; étendue sur le canapé, un livre à la main, Lioudmila regardait la mère avec une expression de tendresse qui la transformait.
— Oh ! mon Dieu ! s’écria Pélaguée, toute confuse. Ai-je dormi longtemps ! Il est tard ?
— Bonjour ! répliqua Lioudmila. Il est bientôt dix heures, levez-vous et déjeunons !…
— Pourquoi ne m’avez-vous pas réveillée ?
— J’en avais l’intention ! mais vous aviez un si bon sourire en dormant…
D’un mouvement de son corps robuste et souple, elle se leva, s’approcha du lit, se pencha sur le visage de la mère, et celle-ci aperçut dans les yeux ternes de son hôtesse quelque chose de familier, de proche, de compréhensible.
— … que je n’ai pas voulu vous réveiller… Sans doute faisiez-vous un beau rêve…
— Non, je n’ai rien rêvé !
— Tant pis… Mais votre sourire m’a plu… Il était si paisible, si doux !
Lioudmila se mit à rire, d’un rire velouté et bas.
— Je me suis mise à penser à vous, à votre vie… Car votre existence est rude…
La mère devint songeuse, remuant les sourcils.