— Non, nous ne l’avons pas vue, répondit l’un d’eux.
Lentement, elle s’éloigna, les dépassant et se dirigeant vers le mur du cimetière, tout en regardant à la dérobée. Soudain, elle sentit que ses jambes fléchissaient, s’alourdissaient, comme si le gel les eût collées au sol ; à l’angle de la prison, un allumeur de réverbères, le dos courbé sous une petite échelle, apparut, en courant, comme le font ses semblables. Après un cillement d’effroi, Pélaguée regarda du côté des soldats ; ils piétinaient sur place, le cheval tournait en rond autour d’eux ; puis elle vit que l’homme avait déjà placé son échelle contre le mur ; il y grimpait sans se presser… Il fit un geste de la main, descendit vivement et disparut au coin de la prison. Le cœur de la mère battait à grands coups ; les secondes s’écoulaient lentement… L’échelle était à peine visible parmi les taches de boue et de plâtre écaillé qui laissait voir les briques… Soudain, apparut au sommet du mur la tête noire de Rybine ; puis son corps se montra, passa de l’autre côté et glissa… Une seconde tête, coiffée d’une casquette velue, surgit, une pelote noire roula sur le sol et disparut au tournant du bâtiment. Rybine se redressa, regarda autour de lui, hocha la tête…
— Sauve-toi ! sauve-toi ! chuchota la mère en frappant du pied.
Elle avait des bourdonnements dans les oreilles ; des cris arrivaient jusqu’à elle ; une troisième tête, blonde, celle-là, émergea à la crête du mur. Saisissant sa poitrine des deux mains, la mère regardait, pétrifiée… La tête blonde et imberbe eut un élan en l’air comme pour s’arracher du corps, puis disparut derrière le mur. Les cris devenaient plus bruyants et impétueux ; le vent les entraînait dans l’espace avec les trilles aigus des coups de sifflets… Rybine longea le mur, puis franchit un terrain qui séparait la prison des maisons de la ville. La mère trouva qu’il allait bien lentement et qu’il levait trop la tête ; sûrement, ceux qu’il croisait n’oublieraient pas ses traits.
— Vite… plus vite !… chuchota-t-elle.
Dans la cour de la prison, quelque chose claqua sèchement… on entendit le son grêle du verre brisé. S’appuyant au sol de toute sa force, le soldat tirait le cheval à lui ; l’autre portait son poing à la bouche, criait on ne