— Adieu, maman !
Elle attendit, retenant la main de son fils.
— Ne t’inquiète pas… ne te fâche pas…, reprit-il.
Ces paroles et le pli obstiné de son front donnèrent à la mère la réponse attendue.
— Pourquoi dis-tu cela ? murmura-t-elle en baissant la tête. Qu’y a-t-il là ?…
Et elle sortit vivement sans le regarder, afin que ses larmes ne trahissent pas ses sentiments. En chemin, il lui semblait qu’elle avait mal à la main qui serrait le billet de son fils ; son bras était pesant comme si elle avait reçu un coup à l’épaule. En rentrant, elle remit la boulette de papier à Nicolas. Tout en le regardant défaire le papier fortement comprimé, elle eut de nouveau un peu d’espoir. Mais Nicolas lui dit :
— Je le savais ! Voilà ce qu’il a écrit : « Camarades, nous ne nous évaderons pas, nous ne le pouvons pas… aucun d’entre nous n’y consent. Nous perdrions le respect de nous-mêmes. Occupez-vous plutôt du paysan récemment arrêté. Il mérite votre sollicitude, il est digne de vos efforts. Il souffre trop ici. Chaque jour, il est aux prises avec les autorités. Il a déjà passé vingt-quatre heures au cachot. On le tourmente sans répit. Nous intercédons tous pour lui. Consolez ma mère, soignez-la. Racontez-lui cela, elle comprendra tout. Pavel. »
Pélaguée leva la tête et dit d’une voix ferme :
— Me raconter quoi ? Je comprends déjà !
Nicolas se tourna soudain, sortit son mouchoir de poche et, s’étant mouché avec bruit, murmura :
— J’ai pris un rhume…
— Il se cacha les yeux de la main, sous prétexte de remettre ses lunettes, et continua en allant et venant dans la pièce :
— Voyez-vous… nous aurions quand même échoué…
— Qu’importe ! Qu’on le juge ! dit la mère, tandis que sa poitrine se remplissait d’une angoisse vague…
— Je viens de recevoir une lettre d’un camarade de Pétersbourg…
— Il peut s’enfuir de Sibérie aussi, n’est-ce pas ?
— Bien entendu… Mon camarade m’écrit que l’affaire sera bientôt jugée ; le verdict est déjà connu : c’est la déportation pour tous… Vous voyez… Ces vils