Natacha se mit à parler rapidement, mais à mi-voix. Puis la voix sonore du Petit-Russien résonna de nouveau :
— Vous êtes encore jeune ! vous n’avez pas beaucoup d’expérience ! Chacun a une mère, et pourtant les gens sont mauvais. Il est difficile d’accoucher, mais il est encore plus difficile d’enseigner le bien à l’homme.
— Voyez-vous ! s’exclama intérieurement la mère.
Elle aurait voulu pouvoir répondre au Petit-Russien, lui dire que, elle, par exemple, aurait été heureuse d’enseigner le bien à son fils, mais qu’elle ne savait rien elle-même.
Mais la porte s’ouvrit lentement et livra passage à Vessoftchikov, fils du vieux voleur Danilo, et misanthrope célèbre dans tout le faubourg. Il se tenait toujours à l’écart et chacun se moquait de lui à ce propos. La mère demanda, étonnée :
— Que veux-tu ?
Il la regarda de ses petits yeux gris, essuya de la large paume de sa main son visage grêlé aux larges pommettes et, sans répondre à la salutation de Pélaguée, il demanda d’une voix sourde :
— Pavel est à la maison ?
— Non.
Il jeta un coup d’œil dans la chambre et y pénétra en disant :
— Bonsoir, camarades…
— Lui aussi !… Est-ce possible ? pensa la mère avec hostilité.
Et elle fut très étonnée de voir Natacha tendre la main au nouveau venu avec un air joyeux et affectueux.
Puis survinrent deux autres jeunes gens, des enfants presque. La mère connaissait l’un d’eux : c’était le neveu de Fédor Sizov, vieil ouvrier de la fabrique ; il avait les traits aigus, un front très haut et des cheveux bouclés. L’autre, aux cheveux plats, lui était inconnu, mais ne la terrifiait pas, il paraissait modeste. Enfin, Pavel revint, accompagné de deux camarades ; elle les reconnut ; c’étaient deux ouvriers de la fabrique. Son fils lui dit aimablement :
— Tu as préparé le thé ? Merci !
— Faut-il acheter de l’eau-de-vie ? proposa-t-elle, ne