— Moi, je n’ai pas le droit ? hurla le commissaire en traînant sur les mots.
Et de nouveau, il tendit le bras pour frapper Rybine au visage ; celui-ci se baissa, si bien que le commissaire, emporté par l’élan, faillit tomber. Dans la foule, quelqu’un renifla bruyamment. La voix furieuse de Rybine répéta :
— Je te dis que tu n’as pas le droit de me battre, diable !
Le commissaire regarda autour de lui. Silencieux et sombres, les hommes l’entouraient d’un cercle compact…
— Nikita ! cria-t-il. Hé, Nikita !
Un petit paysan trapu, vêtu d’une courte pelisse, se détacha de la foule. Il avait les yeux fixés à terre. Sa grosse tête ébouriffée était baissée.
— Nikita ! dit le commissaire sans se hâter et en effilant sa moustache, donne-lui un bon soufflet !
Le paysan fit un pas en avant, s’arrêta en face de Rybine et leva la tête. À bout portant, Rybine le bombarda de ces paroles vraies et dures :
— Voyez, bonnes gens, comme cette brute vous étouffe de votre propre main !… Regardez… et réfléchissez !
Lentement, le paysan leva le bras et frappa Rybine légèrement à la tête.
— Est-ce ainsi que je l’ai dit de faire, canaille ! piailla le commissaire.
— Hé, Nikita ! dit quelqu’un dans la foule, n’oublie pas Dieu !
— Bats-le, te dis-je ! cria le commissaire en poussant le paysan.
Celui-ci s’écarta d’un pas et répondit d’un air morne, en baissant la tête.
— Non, je ne le ferai plus !
— Comment ?
Le visage du commissaire se contracta ; il tapa du pied et se précipita sur Rybine en jurant. Le coup résonna sourdement. Rybine chancela, agita le bras ; d’un second assaut, le commissaire le jeta à terre et bondissant autour de lui, se mit à lui donner des coups de pied à la tête, à la poitrine, aux hanches.
La foule, poussant des cris hostiles s’ébranla et s’avança sur le commissaire ; mais celui-ci fit un saut de côté et dégaina.