son cœur battait à grands coups et l’obligeait à courir presque. Elle marchait à la rencontre du possible, tête baissée, sans rien voir autour d’elle. « Il est peut-être déjà chez Iégor ! » Cette idée la poussa en avant. Il faisait chaud, Pélaguée haletait de fatigue. Arrivée à l’escalier de la maison d’Iégor, elle s’arrêta, n’ayant pas la force d’aller plus loin ; elle se détourna, poussa un petit cri d’étonnement : il lui avait semblé que Vessoftchikov était sur le seuil, les mains dans les poches, le sourire aux lèvres, et qu’il la regardait. Mais, lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle ne vit personne…
— C’est une hallucination ! se dit-elle en montant l’escalier sans cesser de prêter l’oreille. On entendit dans la cour un sourd piétinement de pas lents… la mère s’arrêta sur le palier, se pencha et regarda : elle aperçut de nouveau un visage grêlé qui lui souriait.
— Vessoftchikov ! c’est lui ! s’écria-t-elle en descendant à sa rencontre ; son cœur se serra, désappointé…
— Non, monte ! monte ! répondit-il à mi-voix, avec un geste de la main.
La mère obéit ; elle entra dans la chambre d’Iégor, et, le voyant étendu sur son canapé, elle chuchota, haletante :
— Vessoftchikov s’est enfui de prison…
— Le grêlé ? demanda Iégor d’une voix rauque, en soulevant sa tête.
— Oui, lui !… Il vient ici !
— C’est parfait ! Mais je ne veux pas me lever pour le recevoir.
Déjà Vessoftchikov était rentré ; il ferma la porte au verrou et enleva sa casquette en riant doucement. Puis, il s’accouda sur le canapé. Iégor se redressa, et dit d’une voix rauque en hochant la tête :
— Je vous en prie… ne vous gênez pas !…
La bouche fendue en un large sourire, le grêlé s’approcha de la mère et lui saisit la main :
— Si je ne t’avais pas vue, il ne me restait plus qu’à retourner à la prison ! Je ne connais personne en ville ; si j’avais été au faubourg on m’aurait arrêté aussitôt… En marchant, je me disais : — Imbécile ! Pourquoi t’es-tu sauvé ? Et voilà que je vois la mère qui courait ! Je t’ai suivie…
— Comment as-tu pu t’enfuir ? demanda Pélaguée.