zoologie ; bien que cet ouvrage fût écrit dans une langue étrangère, c’était celui dont les illustrations lui donnaient la représentation la plus nette de la richesse, de la beauté, de l’immensité de la terre.
— La terre est grande ! dit-elle un jour à Nicolas.
— Oui, et pourtant les gens sont à l’étroit…
Ce qui l’attendrissait surtout, c’étaient les insectes, les papillons en particulier ; elle regardait avec surprise les dessins qui les représentaient, et disait :
— Quelle beauté, n’est-ce pas, Nicolas ? Combien il y en a partout, de cette chère beauté ; mais elle est cachée à nos yeux, elle passe devant nous sans que nous la voyions. Les gens courent, ils ne savent rien, ils n’admirent rien, parce qu’ils n’en ont ni le temps ni l’envie. Que de joie ils pourraient se donner s’ils savaient combien la terre est riche et que de choses étonnantes on y trouve. Et tout est pour tous et chacun est pour tout… n’est-ce pas ?
— Oui, parfaitement ! répondait Nicolas avec un sourire. Et il lui apportait toujours d’autres livres.
Le soir, des visiteurs venaient souvent, entre autres Alexis Vassiliév, bel homme au visage pâle, à la barbe noire, taciturne et grave ; Roman Pétrov, aux traits arrondis et couperosés, qui faisait constamment claquer ses lèvres d’un air de pitié ; Ivan Danilov, petit et maigre, avec une barbe en pointe et une voix grêle, agressive, criarde et acérée comme une alène ; Iégor, qui plaisantait sur lui-même, sur ses camarades, sur son mal toujours croissant. Parfois, des gens que la mère ne connaissait pas arrivaient de villes lointaines et avaient avec Nicolas de longs entretiens, toujours sur le même sujet : la liberté et les ouvriers de tous les pays. On discutait, on s’échauffait, on faisait de grands gestes, on buvait beaucoup de thé. Dans le bruit des voix, Nicolas composait quelquefois des proclamations qu’il lisait à ses compagnons ; séance tenante, elles étaient recopiées, en caractères d’imprimerie ; la mère recueillait soigneusement les fragments des brouillons déchirés et les brûlait.
Tout en servant le thé, elle s’étonnait de l’ardeur avec laquelle les camarades parlaient de la vie et du sort de l’ouvrier, du paysan, de la manière la plus profitable et la plus rapide de semer dans le prolétariat les pensées