— Ah ?
Les trois hommes se précipitèrent dans la cabane.
— Il est ardent, le paysan ! fit la mère à voix basse, en les suivant d’un regard pensif.
— Oui ! dit Sophie de même… Je n’ai encore jamais vu un visage comme le sien… on dirait un grand martyr !… Allons-y aussi, j’aimerais voir l’effet du journal.
— Ne vous fâchez pas contre lui… pria doucement la mère.
— Quelle bonne âme vous êtes, Pélaguée !
En voyant les deux femmes au seuil de la cabane, Ignati leva la tête, leur jeta un coup d’œil rapide ; puis, plongeant ses doigts dans ses cheveux bouclés, il se pencha sur le journal, qu’il avait posé sur ses genoux.
Rybine, debout, éclairait sa feuille d’un rayon de soleil qui se glissait dans la hutte par une fente du toit ; il avançait peu à peu le journal sous le rayon, au fur et à mesure de sa lecture, et lisait en remuant les lèvres. Jacob, agenouillé, appuyait sa poitrine contre le bord du lit de camp et lisait aussi.
La mère vit que Sophie remarquait leur enthousiasme pour les paroles de vérité. Son visage s’éclaira d’un sourire. Elle alla doucement dans un coin de la hutte et s’assit. Sophie, gardant le silence, lui entoura les épaules de son bras.
— Oncle Mikhaïl ! On nous injurie là-dedans, nous autres paysans ! fit Jacob à mi-voix, sans bouger. Rybine se tourna vers lui et dit en souriant :
— Parce qu’on nous aime. Ceux qui vous aiment peuvent vous dire tout ce qu’ils veulent sans vous irriter !
Ignati renifla, leva la tête et se mit à rire ; puis il ferma les yeux et dit :
— On écrit là : « Le paysan a cessé d’être une créature humaine. » C’est bien vrai, il ne l’est plus !
Une ombre d’humiliation passa sur son visage simple et franc.
— Viens donc, fichu savant ! Mets-toi dans ma peau et bouge ! On verra alors ce que tu seras…
— Je vais me coucher un instant, dit la mère à Sophie. Je suis tout de même un peu fatiguée et cette odeur de goudron me fait tourner la tête… Et vous ?
— Non !
La mère s’étendit sur son lit et sommeilla bientôt.