pieds étaient solides et bien formés. Il y avait dans sa démarche, dans ses paroles, dans le timbre même de sa voix hardie, quoique un peu sourde, dans toute sa silhouette élancée, une belle santé morale, une audace joyeuse, un besoin d’air et d’espace, et ses yeux se posaient sur toutes choses avec une expression de joie juvénile.
— Voyez quel joli sapin ! s’écria-t-elle, en montrant un arbre à la mère, qui s’arrêta pour le regarder, mais le sapin n’était pas plus haut ni plus fourni que les autres.
— Oui, c’est un bel arbre ! répéta-t-elle en souriant.
— Une alouette !
— Les yeux gris de Sophie étincelèrent joyeusement. Parfois, d’un mouvement souple, elle se baissait et cueillait une fleur dont elle caressait avec amour les pétales tremblants, d’un léger effleurement de ses doigts minces et agiles. Et elle chantonnait doucement.
En route elles croisaient des piétons, des paysans juchés sur leur charrette, qui leur disaient :
— Que la paix soit avec vous !
Un beau soleil printanier brillait ; l’abîme bleu du ciel étincelait ; des deux côtés de la route s’étendaient de sombres forêts de bois résineux, des champs d’un vert cru ; les oiseaux chantaient, l’air tiède et embaumé caressait doucement les joues.
Tout cela rapprochait la mère de la femme à l’âme et aux yeux clairs ; et elle se serrait involontairement contre elle, s’efforçant de marcher du même pas. Mais parfois, il y avait dans les paroles de Sophie quelque chose de trop vif, de trop sonore, qui semblait superflu à Pélaguée ; il lui venait alors des pensées inquiétantes :
— Elle ne plaira pas à Rybine…
Un instant après, Sophie parlait de nouveau simplement, cordialement, et la mère la regardait avec amour.
— Comme vous êtes encore jeune ? soupira-t-elle.
— Oh ! j’ai déjà trente-deux ans ! dit Sophie.
Pélaguée sourit.
— Ce n’est pas ce que je veux dire… à vous voir, on vous croirait plus âgée… Mais quand on regarde vos yeux, quand on vous entend, on est tout étonné, on dirait une jeune fille… Vous avez une vie agitée et