et se serrèrent autour de lui en une foule encore plus compacte. La mère regarda le visage de son fils ; elle ne put voir que ses yeux, fiers et hardis, étincelants.
— Camarades ! Nous avons décidé de déclarer ouvertement aujourd’hui qui nous sommes ; aujourd’hui, nous déployons notre drapeau, le drapeau de la raison, de la vérité, de la liberté !
Une hampe longue et blanche se dressa en l’air, puis elle s’abaissa, tomba dans la foule, où elle disparut ; un instant après, au-dessus des têtes se déployait, tel un oiseau écarlate, l’étendard du peuple ouvrier…
Pavel leva le bras ; la hampe vacilla ; alors, une dizaine de mains saisirent le bois blanc et lisse ; parmi elles se trouva celle de la mère.
— Vive le peuple ouvrier ! s’écria Pavel.
Des centaines de voix lui répondirent en un écho sonore.
— Vive notre parti, camarades ! Vive la liberté du peuple russe !…
La foule était houleuse : ceux qui comprenaient la signification du drapeau se frayaient une voie jusqu’à lui ; Mazine, Samoïlov, les deux Goussev, s’étaient placés à côté de Pavel ; tête baissée, Vessoftchikov repoussait la foule ; et d’autres jeunes gens aux yeux animés, que la mère ne connaissait pas, se plaçaient au premier rang en l’écartant.
— Vive le peuple opprimé, vive la liberté !… continuait Pavel.
Et, avec une force et une joie sans cesse croissantes, des milliers de voix lui répondaient, et cette rumeur secouait l’âme.
La mère saisit la main du grêlé et celle de quelqu’un d’autre ; les larmes l’étouffaient, mais elle ne pleurait pas ; ses jambes chancelaient ; elle dit d’une voix tremblante :
— Oui… c’est la vérité !… mes amis !
Un large sourire éclairait le visage grêlé de Vessoftchikov ; il regardait l’étendard en rugissant des mots vagues et la main tendue vers le symbole de la liberté. Puis, soudain, il enlaça la mère, l’embrassa et se mit à rire.
— Camarades ! commença le Petit-Russien, dominant le sourd murmure de la foule de sa voix douce et