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EN CHEMIN DE FER

pareils à de la moisissure, avait pris un air rusé et triomphant.

— Quand on a vécu aussi longtemps que moi, on peut parler des gens hardiment, n’est-ce pas ?

Il leva en l’air un doigt noir et crochu, comme s’il menaçait on ne sait qui.

— Et je vais vous conter différentes choses sur les gens, signors. Quand mon père mourut, j’avais treize ans ; vous voyez comme je suis petit, maintenant encore ? Mais j’étais adroit et infatigable à la besogne ; c’était tout ce que mon père me laissait en héritage, car notre maison et nos champs furent vendus pour payer les dettes. Et je vécus ainsi, avec un œil et deux bras, en travaillant partout où l’on me donnait de l’ouvrage… C’était pénible, mais la jeunesse ne craint pas le travail, n’est-ce pas ?

À dix-neuf ans, je rencontrai la jeune fille qu’il était de ma destinée d’aimer. Aussi pauvre que moi, elle était plus robuste et plus grande ; elle vivait avec sa vieille mère malade et, de même que moi,