Page:Gorki - Contes d Italie.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
265
LA MONTAGNE VAINCUE

aux prières de la Madone. Je t’en prie, mon fils, si cela arrive, si les hommes se rencontrent, viens sur mon tombeau et dis : « Père, c’est fait ! » pour que je le sache ! »

Je le lui promis. Il mourut à cinq jours de là ; l’avant-veille de sa mort, il demanda aux autres qu’on l’ensevelît à l’endroit où il avait travaillé dans le tunnel… il le demanda avec insistance, mais c’était déjà du délire, à ce que je crois…

Treize semaines plus tard, notre équipe rencontra celle qui venait en sens inverse. Ah ! ce fut un jour de folie, signor, quand nous entendîmes, sous la terre, dans les ténèbres, le bruit du travail des autres, le bruit de ceux qui venaient au-devant de nous sous la terre, — vous comprenez, signor ? — sous l’énorme poids de la terre qui aurait pu nous écraser d’un seul coup, nous tous qui étions si chétifs !

Pendant bien des jours, nous entendîmes distinctement ces sons ; tous les jours, ils devenaient plus nets, plus compréhensibles, et nous étions envahis de la fureur joyeuse